L’ONG Oxfam a rendu public son rapport 2025 sur les inégalités en Afrique, intitulé : « La crise de l’ inégalité en Afrique et la montée des ultra -riches ». Nous vous proposons le communiqué de presse ci-dessous à propos de ce rapport qui « révèle une grave crise des inégalités alimentée par des politiques qui profitent aux élites et affaiblissent les services publics ».
Selon un nouveau rapport d’Oxfam, quatre des milliardaires les plus riches d’Afrique détiennent aujourd’hui une fortune de 57,4 milliards de dollars, soit plus que la richesse combinée de 750 millions de personnes, c’est-à-dire la moitié de la population du continent.
Le rapport, intitulé « La crise de l’inégalité en Afrique et la montée des ultra-riches », est publié à la veille de la réunion de coordination semestrielle de l’Union africaine qui se tient cette semaine à Malabo, en Guinée équatoriale. Il révèle une grave crise des inégalités alimentée par des politiques qui profitent aux élites et affaiblissent les services publics.
Fati N’zi-Hassane, directrice d’Oxfam en Afrique, a déclaré :
« Les richesses de l’Afrique ne manquent pas, elles sont dilapidées par un système truqué qui permet à une petite élite d’amasser d’immenses fortunes tout en privant des centaines de millions de personnes des services les plus élémentaires. Il ne s’agit pas d’une malchance. C’est un échec politique – et cela doit changer. »
L’Afrique est l’une des régions les plus inégalitaires du monde et présente des taux de pauvreté parmi les plus élevés. Près de la moitié des 50 pays les plus inégalitaires sont africains. Aujourd’hui, sept personnes sur dix vivant dans l’extrême pauvreté dans le monde habitent en Afrique, contre seulement une sur dix en 1990. La faim s’aggrave également, avec près de 850 millions de personnes souffrant de faim, soit une augmentation de 20 millions depuis 2022.
Malgré l’aggravation de la pauvreté et le creusement des inégalités, les gouvernements africains restent les moins engagés au monde dans la réduction du fossé : ils continuent de réduire les budgets alloués aux services publics tels que l’éducation, la santé et la protection sociale, tout en offrant aux ultra-riches des impôts sur la fortune parmi les plus bas du monde.
En moyenne, le continent ne perçoit que 0,3 % de son PIB au titre de l’impôt sur le patrimoine, soit moins que toute autre région et bien moins que l’Asie (0,6 %), l’Amérique latine (0,9 %) et les pays de l’OCDE (1,8 %). Au cours de la dernière décennie, cette part déjà maigre a chuté de près de 25 %.
Pour chaque dollar que les pays africains perçoivent au titre de l’impôt sur le revenu des personnes et de l’impôt sur la fortune, près de trois dollars sont en moyenne perçus au titre des impôts indirects qui accroissent les inégalités, tels que la taxe sur la valeur ajoutée.
Les conséquences sont flagrantes. La moitié de la population africaine vit dans 19 pays où les inégalités de revenus se sont aggravées ou ont stagné au cours de la dernière décennie. Les 5 % les plus riches d’Afrique détiennent aujourd’hui une richesse de près de 4 000 milliards de dollars, soit plus du double de la richesse combinée des 95 % restants de la population du continent.
Fatouma, une mère de 10 enfants qui vend des légumes à El Afweyn, en Somalie, a dit : « Dans de nombreux foyers, la viande est un luxe que nous ne pouvons pas nous permettre. Je gagne environ deux dollars par jour alors que le prix d’un kilo de farine a triplé. »
Le rapport indique également que :
En trois jours seulement, une personne appartenant au 1 % le plus riche d’Afrique gagne ce qu’une personne appartenant à la moitié la plus pauvre de l’Afrique met une année à gagner.
Même s’ils perdaient 99,99% de leur fortune, les cinq hommes les plus riches d’Afrique seraient encore 56 fois plus riches que la moyenne des habitants du continent.
En Afrique, les hommes possèdent trois fois plus de richesses que les femmes, soit l’écart de richesse entre hommes et femmes le plus important de toutes les régions du monde.
Au cours des cinq dernières années, les milliardaires africains ont augmenté leur richesse de 56 %.
Alors que le fardeau de la dette augmente, les gouvernements écrasent les pauvres, suppriment des services publics essentiels et protègent les plus riches d’une fiscalité équitable. Selon un précédent rapport d’Oxfam et Development Finance International, 94 % des pays africains bénéficiant de prêts de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), soit 44 pays sur 47, ont réduit leurs dépenses en matière d’éducation, de santé et de protection sociale en 2023-2024 afin de pouvoir rembourser leur dette. Cet échec compromet considérablement l’objectif de l’UA de réduire les inégalités de 15 % au cours des dix prochaines années.
« La solution est claire : taxer les riches et investir dans la majorité. Toute autre solution est une trahison. Si les États africains sont sérieux en matière de réforme et de justice, ils doivent cesser de récompenser une minorité et commencer à construire des économies au service de la majorité », a ajouté Mme N’Zi-Hassane.
Certains gouvernements africains prouvent déjà que des économies plus équitables sont possibles. Le Maroc et l’Afrique du Sud perçoivent respectivement 1,5 % et 1,2 % de leur PIB au titre de l’impôt foncier, parmi les taux les plus élevés du continent. Aux Seychelles, les 50 % les plus pauvres ont vu leur part de revenu augmenter de 76 % depuis 2000, tandis que les 1 % les plus riches ont perdu les deux tiers de la leur. Le gouvernement garantit également des soins de santé universels, une éducation gratuite et de qualité, ainsi qu’un solide système de protection sociale pour les plus vulnérables.
Selon le rapport d’Oxfam, les pays africains pourraient collecter 66 milliards de dollars par an (2,29 % de leur PIB) en taxant la richesse des 1 % les plus riches d’un point de pourcentage supplémentaire et leur revenu de 10 points de pourcentage supplémentaires. Cela permettrait de combler les déficits de financement pour assurer une éducation de qualité gratuite à tous les citoyens et citoyennes et raccorder tous les foyers et toutes les entreprises à l’électricité.
« Chaque Africain et chaque Africaine mérite de vivre dans la dignité. Lorsqu’une poignée de milliardaires est autorisée à accumuler des richesses insensées alors que des millions de personnes sont piégées dans la pauvreté, le système est défaillant et moralement indéfendable. À l’heure où les dirigeants se rassemblent pour la réunion de l’Union africaine, il n’y a plus d’excuse pour retarder les choses : taxer les richesses extrêmes n’est pas seulement juste, c’est un ingrédient essentiel pour l’Afrique que nous voulons », a déclaré Mme N’Zi-Hassane. »
Notes aux rédactions
Lisez le rapport Africa’s inequality Crisis and the Rise of the Super-Rich (en anglais) et le résumé exécutif (en français)