L’affaire avait fait grand bruit et secoué sérieusement le département en charge des infrastructures en début d’année. Un responsable de la Direction du Fonds spécial routier du Burkina (FSR-B), le directeur du contrôle interne en l’occurrence, n’en pouvait plus face à l’incurie rampante dans la boîte et avait fini par crever l’abcès. Il avait saisi les juridictions compétentes pour mettre fin à ce qui pouvait s’analyser comme une délinquance caractérisée au sommet de l’institution. Une procédure en référé auprès du juge administratif en vue de la suspension d’une décision manifestement illégale de nomination d’un Directeur financier et comptable (DFC), une autre procédure au fond, auprès du même juge, en vue de l’annulation pure et simple de ladite décision et pour parfaire le tout, une action au pénal, à travers une plainte auprès du Procureur du Faso, contre le Directeur général du FSR-B et le DFC illégalement nommé. Telles sont les procédures auxquelles le DG et son protégé de DFC doivent faire face. Les faits reprochés aux deux hommes sont suffisamment graves : non contents d’avoir foulé aux pieds la législation, ils ont osé défier la Justice en refusant d’obtempérer à la décision du juge des référés suspendant la nomination du DFC. Nonobstant sa suspension, le DFC a cosigné avec le DG des ordres de virement de plus de 9 milliards FCFA de la BCEAO vers des banques commerciales de la place. La requête du plaignant n’a pas laissé le Procureur du Faso indifférent. Une information judiciaire a été ouverte contre les deux complices pour discrédit sur décision de Justice; tentative d’abus de biens sociaux et usurpation de fonction.
Le Procureur du Faso, sans doute au regard de la gravité des faits contenus dans la plainte du directeur du contrôle interne du FSR-B, n’a pas hésité à cher- cher à tirer au clair cette affaire. Deux brigades de gendarmerie ont été successivement saisies pour enquêter sur les faits allégués. Lorsque leurs rapports sont parvenus au Parquet, le Procureur avait deux choix dans un tel cas de figure, explique un spécialiste du droit : soit les enquêtes de la gendarmerie ne révèlent rien de consistant et le Procureur décide d’abandonner parce qu’il n’y a pas de quoi enclencher une poursuite contre les personnes mises en cause dans la plainte, soit les enquêtes révèlent des faits assez graves et le Procureur décide de poursuivre les intéressés. Visiblement, c’est ce deuxième cas de figure qui se présente. Les faits de dis- crédit sur décision de Justice, tentative d’abus de biens sociaux et usurpation de fonction reprochés au DG du FSR-B, Adama Ouédraogo, et son ex-DFC, Roger Zango, semblent se concrétiser.
Puisque le Procureur a décidé de poursuivre les mis en cause. Ils doivent répondre desdits faits au pénal. La première audience avait été programmée le 7 mai 2018 pour leur comparution. Mais les deux hommes étaient aux abonnés absents. Ils ne se sont pas présentés au juge. Pour l’instant, on ne sait pas grand-chose concernant les raisons de ce faux bond. Les deux hommes n’ont-ils pas reçu les convocations du juge ? Ou ont-ils délibéré- ment décidé de jouer les Robin des bois avec la Justice ? Rien n’a filtré à ce sujet. Toujours est-il que le dossier a été renvoyé au 18 juin prochain. Comparaîtront-ils à cette date? Ou feront-ils encore un faux bond à la Justice ?
Dans tous les cas, tout cela ne devrait plus pouvoir durer longtemps. Ce qui intrigue plus d’un observateur, c’est le fait qu’en dépit de cette procédure au pénal, l’autorité ne prend aucune mesure conservatoire concernant le DG qui demeure à son poste au grand dam de la législation en la matière. En effet, la loi 033-2008/AN, portant régime juridique applicable aux emplois et aux agents des EPE prévoit en son article 114 qu’« en cas de poursuites judiciaires pénales engagées contre un agent, celui-ci est obligatoirement suspendu de ses fonctions pour une période ne pouvant excéder un an. Au-delà de cette période, il est licencié sans préavis, ni indemnités… ». Le cas du DG du FSR-B rentre parfaitement dans le cadre de cette disposition.
Le règne de l’illégalité !
Mais curieusement, elle ne lui est pas appliquée. Et, non content de continuer à occuper illégalement le poste qu’il a du reste toujours occupé dans l’illégalité, lui qui a été copté et nommé par le ministre en charge des infrastructures, au lieu d’être recruté par appel à candidatures, comme le prévoit la législation en la matière, il multiplie les actes répréhensibles à la tête de la structure.
Outre son salaire qu’il perçoit illégalement, il ressort que ces derniers temps, lui et le PCA, un autre homme siégeant en toute illégalité dans les instances du Fonds (Cf. Le Reporter N°230), ont décidé un passage en force pour le recrutement de près d’une trentaine de personnes pour le compte du FSR-B. En effet, en l’absence des nouveaux statuts du Fonds non encore adoptés, et en l’absence d’un nouvel organigramme, les deux hommes ont entamé une procédure manifeste- ment illégale de recrutement de ce personnel. Ils ont déjà élaboré un document intitulé « Termes de référence pour la sélection d’un consultant en vue du recrutement de personnel au profit du Fonds spécial routier du Burkina ». Aux termes de ce document, c’est un total de 26 personnes, dont des secrétaires de direction, des cadres financiers, des auditeurs internes, des cadres commerciaux, des chauffeurs, etc. qu’ils veulent recruter dans ces conditions.
On se demande bien, en l’absence des nouveaux statuts et du nouvel organigramme du Fonds dont le statut a changé avec le décret N°2016-180/PRE/PM/MI/MTMUSR portant création, organisation et fonctionnement du Fonds spécial routier du Burkina, comment un tel recrutement peut se faire. On se demande bien quelle urgence il y a à procéder à un tel recrutement sans attendre l’adoption des nouveaux textes, surtout que c’est le nouvel organigramme qui viendra situer sur les postes à pourvoir. Sur la base de quels besoins exprimés pro- cède-t-on à ce recrutement ? L’article 15 de la loi 033 évoquée plus haut prévoit que « tout recrutement doit, sous peine de nullité, avoir pour but de pourvoir à un emploi préalablement existant et dont la vacance a été régulièrement publiée ».
Comment arrive-t-on, en l’absence des nouveaux tex- tes à déterminés ces besoins ? Que fera-t-on si jamais le nouvel organigramme ne coïncide pas avec ce recrutement ? Autant de questions que se posent plus d’un observateur de la situation au FSR-B.
Selon certaines indiscrétions, le DG aurait laissé entendre dans certains milieux qu’il n’abandonnerait pas son copain de DFC qu’il avait nommé illégalement et que la Justice a suspendu. Il aurait promis de tout faire pour le maintenir dans la maison. L’intéressé n’à, du reste, jamais cessé de venir au bureau depuis sa suspension, même s’il n’ose plus signer un document. Ainsi, le recrutement contesté que l’on est en train de concocter dans l’urgence, en l’absence des textes, aurait pour objectif, entre autres, de faire rétablir l’homme à son poste, à travers un habillage de légalité. Y parviendra-t- on ? Sans doute que la suite de ce feuilleton à rebondissements renseignera.
Salaire payé aussi dans l’illégalité !
S’agissant de son salaire, suite à sa nomination illégale à la tête du Fonds, le PCA Franck Alain Tapsoba signe avec Adama Ouédraogo, un contrat de travail dans lequel un salaire net de plus d’un million FCFA, comprenant un sursalaire de plus de 400 000 FCFA est accordé à ce dernier. Cela fait sursauter plus d’un au sein du Conseil d’administration. Certains membres font part de leurs réserves quant à la légalité d’un tel salaire. On leur fait savoir que personne jusque- là n’avait bénéficié d’un sur- salaire au sein de la structure. En plus, lorsque ce salaire est soumis à la validation du ministère en charge des finances, comme le prévoit la réglementation, celui-ci ne le validera pas et fait des observations concernant notamment la présence du sursalaire.
Mais rien n’y fait. Adama Ouédraogo s’entête pour se faire payer ce salaire visiblement illégal sans la caution du MINE- FID. A la fin de son premier mois de travail, son dossier est soumis au contrôle interne en vue du payement de son premier salaire, celui- ci fait remarquer que le dossier ne contient pas l’autorisation du MINEFID et refuse de cautionner le payement d’un tel salaire au DG. N’empêche, il fait fi de toutes ces observation et se fait payer son salaire par les services financiers malgré toutes ces irrégularités. Depuis lors, il continue de percevoir ce salaire dans les mêmes circonstances, sans l’autorisation du MINEFID ni l’avale du contrôle interne. Comme à son habitude, le DG du FSR- B n’a une fois de plus pas daigné donner suite à notre sollicitation d’entretien dans le cadre de cet article.
Joint au téléphone, il avait promis de nous revenir, mais jusqu’à ce que nous bouclions ces lignes, il n’a toujours pas réagi. Cela fait la troisième fois qu’il nous joue ce tour. Les deux précédentes fois, pendant que nous prépa- rions des articles sur son institution, il avait exigé de lui adresser des correspondances écrites avant de répondre à nos questions. Toute chose que nous avons faite et les deux fois, il nous a fixé des rendez-vous. A l’heure indiquée, il a toujours invoqué des empêchements de dernières minutes pour ne pas honorer ces rendez-vous. Ainsi va la gouvernance ver- tueuse au royaume d’Adama Ouédraogo et associés. Nous y reviendrons .